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Inassouvies, nos vies

Fatou Diome

J'ai Lu

  • 6 juin 2013

    Première rencontre avec Fatou Diome et je ne suis pas déçue de ce beau voyage et cette expérience enrichissante. Ouvrir Inassouvies, nos vies c'est un peu commencer un dialogue avec Fatou Diome, le temps d'un thé pour infuser nos vies et partager leur saveur. L'espace de la feuille blanche est donné comme une ouverture au dialogue avec son lecteur car "Que garde-t-on des humains? Que gardent-ils de nous? Que reste-t-il de nos rencontres?[...]L'ordinateur véhicule des amitiés dyslexiques. Derrière l'écran, les tendresses sont des mets succulents sous cloche, hors d'atteinte."


    C'est l'histoire de Betty, une jeune femme, qui vit un peu en marge de la société, venue d'Afrique, elle s'est installée à Strasbourg. Elle semble désabusée par le quotidien et trouve refuge dans son appartement où elle passe le plus clair de son temps à épier ses voisins de l'immeuble d'en face avec une curiosité toute émoussée. Une sorte de Fenêtre sur cours , mais en beaucoup plus poétique.

    L'immeuble est cossu, la population est plutôt riche. Parmi elle, vit une vieille dame qui soliloque avec son chat. Elle tente d'interpréter le quotidien de ses voisins par ce qu'ils donnent à voir depuis l'angle de vue de sa fenêtre. Petit à petit, Betty va apprivoiser Félicité, la vieille dame, veuve de guerre. Très rapidement, à la demande de la famille, Félicité sera internée en maison de retraite.

    "Incroyable, ce que l'absence d'une personne qui ne vous est rien peut, soudain, bouleverser l'équilibre de votre vie. Comme la façade des immeubles et les arbres, que nous remarquons à peine en traversant la rue, les visages familiers sont des repères sans lesquels le cerveau se trouve désorienté et opère des vrilles sur lui-même." Betty lui rendra visite, lui fera la lecture.

    La plume de Fatou Diome enchante le quotidien, dans son caractère inassouvi: inassouvies nos attentes, inassouvies nos rencontres, inassouvi notre désir de communion avec autrui...

    " Nous sommes là, comme des petits poissons jetés dans la nacelle du monde."

    Toutes les anecdotes du voisinage de Betty résonnent en nous. On accompagne les pérégrinations de l'esprit de Betty sur des sujets tels que la vieillesse, la mort, l'amour, l'attente... la vie en somme.

    "La facilité des échanges est une illusion de notre époque. En multipliant les moyens de communication, la société moderne a rehaussé, proportionnellement, ses barrières."

    Des barques se croisent sur l'océan de la vie... Je n'écouterai plus jamais Djelimoussa Cissoko et la Kora sans penser à ce magnifique roman.

    Analyser la violence de certains courants de la vie avec Fatou Diome est un formidable voyage poétique. "Tant qu'on respire, chaque jour mérite d'être joliment habillé". Vivre est un condiment étrange, indispensable à toutes les sauces, mais qui ne révèle sa saveur qu'au contact d'autres épices.