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Rien à déclarer

Richard Ford

Éditions de L'Olivier

  • Conseillé par
    11 octobre 2021

    Richard Ford à son meilleur

    Pendant une traversée en car-ferry un homme croise le regard d'une femme qui lui rappelle la sienne, qui l'a quitté des années auparavant. Dans un hôtel à la frontière canadienne, à Sault Sainte-Marie (beauté des noms de lieux chez Richard Ford), une femme se souvient du garçon qu'elle a aimé dans sa jeunesse, et qu'elle est partie retrouver quand elle a appris qu'il était en train de mourir. Sur la côte de Nouvelle Angleterre, un veuf s'installe dans la maison de vacances que sa femme et lui ont pensé longtemps acheter du temps où celle-ci vivait encore sans avoir jamais sauté le pas... 
    Ce pourrait être sinistre, ou pesant, ou insignifiant. C'est bouleversant.
    Richard Ford renoue avec le genre de la nouvelle, dans lequel il excelle, et dont il considère qu'il ne se différencie pas foncièrement de celui du roman. Dix nouvelles donc, dont les titres ("En transit", "La traversée", "En route") disent bien la thématique qui les rapproche : celle du passage. Les personnages, la plupart extrêmement attachants, font l'expérience du passage d'un âge de la vie à l'autre (pour aller vite, car c'est plus subtil que cela), traversent des moments de leur vie où quelque chose bascule, où quelque chose a basculé sans qu'ils s'en rendent compte, où quelque chose est en train de basculer mais où ils font comme si de rien n'était. Et c'est bouleversant, sans doute parce que, sans trop que nous nous le disions non plus, chacun d'entre nous peut se reconnaitre dans l'expérience de ces moments de flottement, faits d'indécision, d'acceptation, d'incompréhension ou de regrets.
    Dans la dernière nouvelle du recueil un personnage cite un passage d'un roman d'Henry James, "Portrait de femme". A coup sûr c'est là le modèle dont on a envie de rapprocher "Rien à déclarer". Acuité du regard, finesse d'analyse, pureté du style (il faut saluer la qualité de la traduction de Josée Kamoun) : du Richard Ford à son meilleur.

    Jean-Luc