Suivez-nous

Mater Dolorosa

Jurica Pavičič

Agullo

  • Conseillé par (Libraire)
    5 septembre 2024

    Un roman noir d'une étincelante sobriété, où dés le début nous connaissons le coupable du meurtre, celui d'une jeune femme d'une famille de la bourgeoisie de Split, en Croatie. Le récit fait alterner les points de vue de la mère et de la sœur de l'assassin, ainsi que de l'un des enquêteurs. Tout l'intérêt de ce roman n'est donc pas tant dans la résolution de l'affaire que dans la dissection de la psychologie de ces trois personnages, dont nous partageons l'intimité chapitre après chapitre. Un texte emprunt d'une grande pudeur, à l'écriture froide, quasi clinique, mais sombrement envoûtante, et qui décortique le fil des tensions émotionnelles, nous voilà plongés au cœur des doutes et dilemmes des trois protagonistes pour arriver à cette troublante interrogation: "Et moi, à leur place, qu'aurais-je fais?" Un livre au suspense "tranquille" et hypnotique, une douceur oppressante, c'est là la grande force des romans de Jurica Pavicic, dont l'immense talent se confirme ici.


  • Conseillé par
    7 octobre 2024

    fin de saison

    De Split, on connait la ville balnéaire, point de départ, de vacances ensoleillées…mais lorsque les touristes partent, que reste-t-il ?
    Une ville dont les réminiscences de l’époque soviétiques sont encore bien présentes, et des gens qui essayent de survivre au quotidien, dans une société bien fracturée.
    C’est dans ce contexte, que nous allons rencontrer une famille modeste, la mère est femme de ménage depuis la mort de son mari, sa fille réceptionniste dans un hôtel, et le fils, éternel adolescent…se laisse vivre.
    Jusque-là rien d’extraordinaire, si ce n’est qu’un meurtre sordide est commis…et que comme dans Columbo, on sait dès les premières pages, que c’est Mario, le fils, le meurtrier.
    Finalement, l’enquête est vraiment secondaire, dans ce polar, qui pourrait tout aussi bien être un roman.
    Car ce qui est important, ce n’est pas vraiment le crime, ni le criminel et ses motivations, dont on ne saura rien…mais de l’impact sur les deux membres féminins de sa famille.
    Jusqu’où est-on prêt à aller pour sauver quelqu’un, même quand c’est l’irréparable qui a été commis ?
    Peut on cautionner même s’il s’agit d’un membre de sa famille, est ce que l’on peut vivre avec ça ?
    Et quelles répercussions sur l’entourage.
    C’est oppressant, noir, malaisant…. Et ça fonctionne, car c’est une lecture terriblement addictive.
    Et l’on se surprend à se demander, qu’est-ce que je ferai ?


  • Conseillé par
    13 septembre 2024

    Croatie

    Je retrouve avec plaisir la plume efficace de Jurica PAVICIC pour ce troisième roman traduit en français.

    Nous suivons cette fois Ines, sa mère Katja et l’enquêteur Zvone. Ce qui les relit : le meurtre de la jeune Viktorija Reba dans une usine désaffectée.

    Ines travaille dans un hôtel à touriste à Split, l’occasion pour l’auteur de nous parler de cette ville aux décors historiques qui accueille des touristes du monde entier à la belle saison. Le reste de l’année, c’est une ville pluvieuse et sans animation.

    Le père de Zvone et la famille d’Ines habitent dans des immeubles construits au temps de la splendeur communiste. Souvent hérités de grands-parents, les logements sont restés dans leur jus.

    J’ai aimé les coups de griffe de l’auteur envers les « vertueux urbanistes » (p.68) et autres caciques du Parti.

    J’ai aimé que l’auteur me parle des anciens combattants de l’armée Croate : le père de Zvone a fait cette guerre et en est revenu malade à ses 30 ans. 30 ans plus tard, il souffre encore.

    L’auteur décrit des habitants qui appartiennent soit à la classe laborieuse, soit à la classe dirigeante.

    L’auteur laisse le personnage de Mario, le frère d’Ines, dans l’ombre. Il apparaît peu, a toujours un visage indéchiffrable, et pourtant c’est autour de lui que tourne le roman : a-t-il tué Viktorija Reba ?

    Ce roman pose la question de l’acte violent non prémédité : Zvone en est incapable, mais son père a pu le faire pendant la guerre.

    Un roman qui pose aussi la question de la réaction de la mère du coupable qui, dans ces pages, cache les preuves incriminantes. Une mère des douleurs qui protège son enfant meurtrier.

    J’ai aimé le regard sans concession de l’auteur sur son pays qui après Tito a connu la guerre, et maintenant les réseaux sociaux (autre catastrophe capable de détruire des vies).

    Une citation :

    (Les bijoux) termineront sur un tas comme l’or cassé pour la revente. Avec ces bijoux de famille, on achètera une voiture d’occasion ou des billets pour le Canada, on remboursera des dettes, on ouvrira un commerce ou on effacera une hypothèque. Ce qui a été acquis en grande pompe finira par être vendu discrètement et avec un brin de honte. C’est ainsi – Ines l’a compris au bout de quelques jours – que tourne l’économie circulaire de l’orfèvrerie. (p.293)

    L’image que je retiendrai :

    Encore une fois, on cuisine beaucoup dans ce roman : la mère Katja mais aussi sa fille (des œufs à la pancetta).