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  • Conseillé par (Libraire)
    4 mai 2013

    Ecce Homo

    J'avais un peu décroché ces dernières années mais je retrouve avec plaisir l'auteur du "Monde selon Garp" et "L'Hôtel New Hampshire".
    Le sujet n'est pas facile. Il est traité ici sans grivoiserie ni voyeurisme aucun. Je ne veux pas dévoiler l'intrigue mais c'est tout à fait d'actualité avec ce qui se passe en France en ce moment avec le "mariage pour tous". Que dire ? C'est un hymne à la tolérance. C'est aussi et surtout un roman qui déborde d'imagination avec des personnages vraiment hauts en couleurs. Très sympa à lire, on entre tout de suite dans l'histoire. Bref, du bon, du très bon même, John Irving !


  • Conseillé par
    16 décembre 2015

    De son père, William Abbott n'a gardé que très peu de souvenirs. Pourtant, très jeune, il s'interroge sur ce qu'a pu lui transmettre celui que sa mère a surpris ''embrassant une autre personne''. Ce n'est certainement pas de cet homme sorti très vite de sa vie et qualifié par sa grand-mère et sa tante Muriel de coureur de jupons qu'il tient ses ''béguins contre nature'', celui par exemple pour Richard Abbott, jeune professeur à la First River Academy, talentueux metteur en scène de la troupe de théâtre de l'école. De son grand-père Harry alors ? Lui qui a fait les beaux jours du théâtre municipal en y interprétant merveilleusement les plus beaux rôles de femmes, à la tête d'une scierie à la ville, dans ses corsets de taffetas à la scène. Mais son penchant coupable pour Richard disparait quand celui-ci épouse sa mère et lui donne son nom, mettant définitivement hors-jeu le coureur de jupons. Installée dans un logement de fonction au sein de l'école, la nouvelle famille se lie avec les Hadley. Elaine devient sa meilleure amie, tandis qu'il fantasme sur sa mère. Ses béguins se font divers et variés, les plus remarquables étant Miss Frost, la bibliothécaire, femme mûre aux seins d'adolescente et Jacques Kittredge, le capitaine macho de l'équipe de lutte dont Elaine s'éprend également. Malgré un contexte hostile, William grandit et se construit dans la bisexualité, passant d'hommes en femmes, certaines même transgenres. Des années 50 aux années 2000, il déroule sa vie, du Vermont à Vienne, de New-York à Madrid, se refusant à choisir entre ses préférences sexuelles.

    Comme à son habitude, John Irving a mis un peu, beaucoup, de lui dans son dernier roman. On y retrouve ses thèmes de prédilection, puisé dans sa propre biographie. William Abbott est donc un écrivain en devenir, élevé sans son père, éduqué dans une école de garçons où la lutte est le sport en vue et qui séjournera à Vienne pendant ses études. Mais bien sûr le jeune Billy n'est pas John Irving dont il diffère par sa sexualité problématique à ses débuts puis de plus en plus assumée. Ces ''béguins contre nature'', ces ''erreurs d'aiguillage amoureux'' sont le prétexte à une critique de l'Amérique bien-pensante où l'homosexualité est une déviance, une maladie mentale que l'on doit soigner. En Europe, son héros se libère de ses entraves morales mais son cas est toujours difficile à gérer; le bisexuel est mal vu par les hétéros comme par les homos. Mais au-delà des problèmes, "A moi seul bien des personnages" est surtout un hymne à la liberté et à la tolérance. Sans parti pris, ni jugement, Irving raconte une communauté qui a beaucoup souffert. Ses pages sur les années sida, fortes et pudiques, sont à la hauteur du Philadelphia de Jonathan Demme. Son Billy Abbott nous promène dans un monde et des pratiques parfois inconnus, mais sans militantisme ou revendications. Homosexuels, actifs et passifs, bisexuels, mais aussi transgenres prennent une réalité que certains voudraient ignorer dans le meilleur des cas, éradiquer dans le pire.
    Un roman où il est difficile d'entrer à moins d'être féru du théâtre de Shakespeare ou d'Ibsen, puis, petit à petit, la magie d'Irving opère. Billy Abbott devient un intime, un ami et l'on s'immerge dans la petite communauté de First Sister, Vermont, et tous ses habitants deviennent des familiers que l'on peine à quitter. Encore une fois, John Irving signe un livre essentiel pour faire réfléchir, rire et s'émouvoir. Une réussite de plus pour celui qui depuis toujours prône la liberté de pensée, le droit à la différence, la tolérance. A lire !


  • Conseillé par
    28 juin 2013

    Le monde selon Irving

    Ne soyez pas intimidé, lancez-vous ! Partez à la rencontre de John Irving, l’auteur culte du " Monde selon Garp " et de " L’Hôtel New Hampshire ", vous ne le regretterez pas . Parce que lire " À moi seul bien des personnages ", c’est s'embarquer dans une grande aventure, dévorer 471 pages sans reprendre son souffle, redécouvrir un pan de l’Histoire contemporaine.

    Bill est un petit garçon qui n’a jamais vu son père et ne sait presque rien de lui. Il habite avec sa mère et ses grands-parents, lorsque surgit le charmant Richard qui deviendra son beau-père. La famille vit pour le théâtre municipal de leur petite ville du Vermont. La mère y est souffleuse, le grand-père Harry l’acteur fétiche de la troupe. Et celui-ci ne se sent jamais aussi bien que lorsqu’il tient des rôles… de femmes ! Quant à Richard, grand amateur de Shakespeare, il devient le metteur en scène de ces comédiens amateurs et distribue les rôles. Bill se rend très vite compte qu’il n’est pas un ado comme les autres. Sa différence ? Il est amoureux de son beau-père. Mais aussi de Miss Frost, la magnifique, la fascinante bibliothécaire qui lui fera découvrir de grands textes et plus encore.

    Dans cette famille atypique, Bill se découvre donc bisexuel. Il aime les hommes autant que les femmes. Cette « différence » connue des uns, soupçonnée par les autres, ne l’empêchera pas de devenir un écrivain et de parcourir le monde. John Irving ne s’embarrasse pas avec la chronologie. Il passe volontiers du présent au passé et s’amuse à prévenir son lecteur : telle ou telle anecdote, il nous la racontera plus tard. Défilent alors sous nos yeux les ravages du sida, la fascination que Bill porte à Kittredge, son énigmatique et cruel camarade de collège, les expériences sexuelles hors du commun, les amitiés pour la vie, les rencontres avec les transsexuelles (son type de femmes par excellence), les représentations de pièces de Shakespeare où, soudain, chacun se sent à sa place, les lectures qui changent une vie…

    On pourrait dire bien des choses sur ce roman inoubliable : qu’il nous a fait rire cent fois, qu’il nous a fait pleurer, trembler aussi. Qu’il pourrait s’intituler " À moi seul bien des " extraordinaires " personnages ». Car certains d’entre eux sont si vivants, si poignants, qu’on donnerait beaucoup pour les avoir rencontrés, même une fois. On les aurait, sans aucun doute, pris dans nos bras.

    Lire la suite de la critique sur le site o n l a l u


  • Conseillé par
    30 mai 2013

    "Nos désirs nous façonnent" : Respect

    Tout ce que vous avez voulu savoir sur la bisexualité sans jamais avoir osé le demander. John Irving détaille avec des descriptions réalistes, naturelles et crues les pensées et relations de personnages à la sexualité différente. Mais, si certains lecteurs pourront être choqués, ce roman est bien davantage qu’un éventail de désirs et amours inavouables.

    Le narrateur, Bill ou William, est aujourd’hui un écrivain célèbre de soixante dix ans et il raconte sa jeunesse et son éveil des sens. Elevé chez ses grands-parents jusqu’à l’âge de quinze ans, Il revient vivre chez sa mère et son nouveau beau-père Richard Abbott. Si il adore ce grand-père Harry, toujours prêt à se déguiser en femme pour les pièces de théâtre, il craint davantage les femmes Winthrop, sa grand-mère Victoria, sa mère et sa tante Muriel.
    Grâce à Richard qui l’inscrit à la bibliothèque, il découvre la littérature et la sculpturale bibliothécaire, Miss Frost.
    " Nos désirs nous façonnent : il ne m’a pas fallu plus d’une minute de tension libidinale secrète pour désirer à la fois devenir écrivain et coucher avec Miss Frost- pas forcément dans cet ordre, d’ailleurs."
    Dans la littérature, Bill cherche à comprendre les "erreurs d’aiguillage amoureux" et découvre Dickens (De grandes espérances) et Baldwin ( La chambre de Giovanni). Car si Bill est un adolescent normal qui se découvre, il s’interroge sur son attirance pour son beau-père ou pour Kittredge, étudiant et lutteur de la Favorite River Academy ou pour les femmes aux petits seins telles Miss Frost. Son expérience avec son amie Elaine ne sera pas concluante mais elle restera à jamais sa meilleure amie et confidente.
    " Nous avons grandi à une époque où nous étions plein d’aversion pour notre différence sexuelle, parce qu’on nous avait fourré dans le crâne que c’était une perversion."
    En Europe, Bill pourra assumer sa sexualité, notamment grâce à la rencontre de l’écrivain Lawrence Upton surnommé Larry ( il n’y a sans doute aucun lien avec le vrai poète anglais du même nom) à Vienne dans les années 60. C’est lui qui lui fera prendre conscience, dans les années 80 de sa neutralité face aux malades du sida. Car la seconde partie du livre traite davantage de l’homophobie de la société et inévitablement des affections liées au sida. Une fois encore, c’est avec une grande précision que l’auteur détaille les signes, maladies et traitements.
    " En 1995, pour la seule ville de New York, le sida a tué plus d’Américains que la guerre du Vietnam."
    Si Mr Hadley comptabilisait tous les anciens étudiants tués à la guerre, l’oncle Bob fera la nécrologie des amis de Bill morts du sida.
    John Irving, en remarquable conteur, nous attache à cette histoire par la densité de ses personnages, le mystère de leur réelle nature et ce fil conducteur de la littérature et notamment du registre de Shakespeare. Le titre du roman est bien entendu une phrase de Richard II de Shakespeare mais on découvre au fil des pièces de théâtre mises en scène par Richard Abbott, les personnages et thèmes de l’auteur anglais.
    " Est-ce une fille ou un garçon, telle est la question ?"
    Le jeune William apprécie ces adultes qui l’ont guidé dans sa jeunesse. Il aime profondément son grand-père pour sa tolérance, son amitié fidèle et son goût des vêtements féminins. Il reconnaît en Richard un guide notamment vers la littérature. Il est reconnaissant à la mère d’Elaine de l’avoir aidé à s’assumer et à guérir ainsi son défaut de langage. Et bien évidemment, il sera éternellement amoureux de Miss Frost, cette énigmatique bibliothécaire qui l’a préparé à affronter les éventuelles attaques des hommes.
    Comme tous les livres de John Irving, c’est un roman dense, captivant parce que j’avais envie de connaître le mystère des parents de Bill, la réelle nature des personnages énigmatiques comme Miss Frost ou Kittredge. On y trouve de l’humour, de la rage et énormément d’émotions.
    Alors que se célèbrent en France les premiers mariages homosexuels, le roman d’Irving va faire couler beaucoup d’encre. Je vous en recommande la lecture car c’est aussi un plaidoyer pour la tolérance, le respect des différences.

    " Ne me fourre pas dans une catégorie avant même de me connaître."

    " Je vous prierai de ne pas me coller d’étiquette."