Le retour à la nature en vue des temps difficiles

Le présent volume rassemble deux enquêtes, publiées en 1979 et en 1981, sur
les différentes facettes d’un mouvement qui marqua les années immédiatement
postérieures à la révolution culturelle de 1968 : celui de l’émigration de
jeunes urbains vers les espaces désertifiés du sud de la France, en vue
d’expérimenter en communauté une autre façon d’habiter le monde. Le premier
volume suivait les trajectoires de ceux qui, après les désillusions fréquentes
de l’utopie, parvinrent à s’installer durablement dans les campagnes et les
villages qu’ils contribuèrent à revitaliser. Le second volume ciblait les
parcours, plus rares, de ceux qui, conscients de l’imminence de la catastrophe
écologique, se préparaient à affronter le désastre en nouant un lien nouveau
avec l’environnement naturel. On pensait volontiers, à l’époque, que ces
utopies fragiles auraient une courte durée de vie. Or la vague néo-rurale
s’est prolongée et elle dure encore. Elle a pris de nouvelles formes et elle
trouve, dans l’urgence écologique du présent, un nouveau moteur. Les candidats
au départ vers les campagnes ont des profils sociaux et des projets différents
de ces premiers « émigrants de l’utopie ». Le « désert » attire moins que la «
vie au vert », dans des espaces ruraux qui ont cessé de perdre leurs
habitants. Il n’en est que plus intéressant d’interroger aujourd’hui les
continuités et discontinuités entre la première vague utopique des années 1970
et les modalités actuelles d’un « désir de campagne » devenu – et plus encore
avec la pandémie de la Covid 19 – l’utopie portative d’un nombre croissant
d’habitants des villes.