- EAN13
- 9782848677347
- Éditeur
- Presses universitaires de Franche-Comté
- Date de publication
- 16/05/2022
- Collection
- Annales littéraires
- Langue
- français
- Fiches UNIMARC
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Anciens et Modernes par-delà nature et société
Presses universitaires de Franche-Comté
Annales littéraires
Livre numérique
-
Aide EAN13 : 9782848677347
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3.99
D’abord, la « Nature », avec ses composantes bigarrées, ses lois inexorables
et ses principes aveugles ; et puis, au-dessus d’elle, la supplantant,
l’écrasant, la « Société », recueil des expressions de l’ingéniosité humaine,
somme des arrangements plus ou moins fi ables dont nous avons convenu entre
nous. Ce schéma dualiste, dans lequel se concentre une partie de l’héritage
idéaliste de la pensée philosophique occidentale, a joué un rôle central dans
l’autocompréhension historique de la modernité. Certains hommes seraient
devenus, justement, modernes, et ils auraient conféré cette qualité éminente à
leurs idées, en particulier aux savoirs qu’ils se proposaient de développer,
en séparant de façon tranchante Nature et Société. Ce faisant, ils les
auraient rendues, dit-on, pensables l’une et l’autre. Le présent ouvrage prend
le contre-pied de cette conception en développant deux motifs. Premièrement :
la « modernité » s’est aussi construite autour de positions qui insistaient
sur l’appartenance des êtres humains à l’ordre englobant de la Nature, qui,
par exemple, illustraient la continuité entre les savoirs visant le corps
organique et le corps social. Deuxièmement : cette modernité-là ne rompt
nullement avec l’Antiquité. Car les Grecs et les Latins n’ont pas seulement
institué ce partage ; ils se sont aussi inquiétés de sa valeur et de ses
limites – ils l’ont discuté, déplacé, dissout, refondé, à mesure qu’ils
entendaient justifier de nouveaux savoirs, les séparer d’autres ou les unir en
de nouvelles continuités. Ainsi se substitue à la césure moderne le temps long
d’une histoire où la multiplicité des façons de faire et de défaire cette
frontière accompagne depuis l’Antiquité la production des savoirs. Nous
héritons dès lors d’une autre histoire que celle que nous nous sommes
racontée. Faudra-t-il renoncer à trier les êtres ou les processus selon qu’ils
paraissent relever plutôt de l’existence naturelle ou de l’artificialité
sociale ? Il suffira de désinvestir ce geste : lui rendre sa juste mesure,
celle de n’être qu’un moyen, tout aussi utile que le geste opposé, lorsque
l’on veut faire paraître des objets de pratique ou de connaissance, selon
leurs discontinuités plutôt que leurs continuités. Aucune thèse dogmatique ne
sort donc du travail de déprise auquel incite cet ouvrage. Peut-être une
conviction : l’avenir de notre interprétation philosophique du « social »
tiendra probablement beaucoup à notre capacité à le rapprocher du « naturel »,
c’est-à-dire à dévoiler la masse des liens d’appartenance, de dépendance, de
continuité, d’analogie, d’entrelacement, qui le rattachent à ce que l’on avait
pris à tort pour son autre absolu.
et ses principes aveugles ; et puis, au-dessus d’elle, la supplantant,
l’écrasant, la « Société », recueil des expressions de l’ingéniosité humaine,
somme des arrangements plus ou moins fi ables dont nous avons convenu entre
nous. Ce schéma dualiste, dans lequel se concentre une partie de l’héritage
idéaliste de la pensée philosophique occidentale, a joué un rôle central dans
l’autocompréhension historique de la modernité. Certains hommes seraient
devenus, justement, modernes, et ils auraient conféré cette qualité éminente à
leurs idées, en particulier aux savoirs qu’ils se proposaient de développer,
en séparant de façon tranchante Nature et Société. Ce faisant, ils les
auraient rendues, dit-on, pensables l’une et l’autre. Le présent ouvrage prend
le contre-pied de cette conception en développant deux motifs. Premièrement :
la « modernité » s’est aussi construite autour de positions qui insistaient
sur l’appartenance des êtres humains à l’ordre englobant de la Nature, qui,
par exemple, illustraient la continuité entre les savoirs visant le corps
organique et le corps social. Deuxièmement : cette modernité-là ne rompt
nullement avec l’Antiquité. Car les Grecs et les Latins n’ont pas seulement
institué ce partage ; ils se sont aussi inquiétés de sa valeur et de ses
limites – ils l’ont discuté, déplacé, dissout, refondé, à mesure qu’ils
entendaient justifier de nouveaux savoirs, les séparer d’autres ou les unir en
de nouvelles continuités. Ainsi se substitue à la césure moderne le temps long
d’une histoire où la multiplicité des façons de faire et de défaire cette
frontière accompagne depuis l’Antiquité la production des savoirs. Nous
héritons dès lors d’une autre histoire que celle que nous nous sommes
racontée. Faudra-t-il renoncer à trier les êtres ou les processus selon qu’ils
paraissent relever plutôt de l’existence naturelle ou de l’artificialité
sociale ? Il suffira de désinvestir ce geste : lui rendre sa juste mesure,
celle de n’être qu’un moyen, tout aussi utile que le geste opposé, lorsque
l’on veut faire paraître des objets de pratique ou de connaissance, selon
leurs discontinuités plutôt que leurs continuités. Aucune thèse dogmatique ne
sort donc du travail de déprise auquel incite cet ouvrage. Peut-être une
conviction : l’avenir de notre interprétation philosophique du « social »
tiendra probablement beaucoup à notre capacité à le rapprocher du « naturel »,
c’est-à-dire à dévoiler la masse des liens d’appartenance, de dépendance, de
continuité, d’analogie, d’entrelacement, qui le rattachent à ce que l’on avait
pris à tort pour son autre absolu.
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