Un spécimen de caractères inconnu de Fournier le Jeune, 1759

Après avoir gravé ses premiers poinçons en 1736, Pierre-Simon Fournier fonde sa propre officine. Travailleur acharné, il crée en peu de temps un ensemble typographique d’une grande homogénéité.Avec ses Modèles des caractères de l’imprimerie et des autres choses nécessaires au dit art nouvellement gravés par Simon-Pierre Fournier le jeune, il se plaçait au premier rang des graphistes de tous les temps ; 4 600 poinçons ont été gravés pour ces Modèles. Une remarquable cohérence se révèle dans toutes ces fontes, ce qui « a fait de lui un des principaux architectes du livre avec Alde Manuce, Estienne, Elsevier, Baskerville, F.-A. Didot et William Morris ».Durant la décennie suivante, Fournier enrichit son fonds, perfectionne ses fontes et ses élégantes vignettes qui se combinent avec une rigueur mathématique. Parallèlement, il poursuit ses recherches érudites dans le domaine de l’histoire du livre et projette la publication d’une « somme » qui devait comporter quatre tomes. Ne paraîtront que les deux premiers volumes du Manuel typographique datés 1764-1766. Il s’est donc écoulé plus de vingt ans entre l’apparition des Modèles et la publication du Manuel dont le second volume donne en 306 pages une vision générale de la production.Pendant cette longue période, Fournier n’a publié semble-t-il que des feuilles isolées ou de minces brochures commerciales. Le recueil de 1759 intitulé Épreuve de quelques caractères, vignettes et lettres ornées – connu à un exemplaire unique, découvert récemment – objet de la présente publication, est d’un autre ordre. Publié par Pierre-Simon Fournier comme « pièce à conviction » dans les querelles qui ont encombré sa vie, il servait à prouver la malhonnêteté de ses contrefacteurs et proposait une anthologie de ses meilleures productions. Ce n’est pas à proprement parler un catalogue commercial, plutôt un dossier susceptible d’être soumis aux instances officielles dont il sollicitait la protection en apportant la preuve de ses justes accusations.La composition du livret dont nous donnons la reproduction est irrégulière.Ce qui donne un sens particulier à ce livret, ce sont les trois pages des feuillets qui proposent le « Parallèle de quelques italiques & vignettes de Fournier le jeune avec la contrefaction desdites ». C’est une réplique à Nicolas et Pierre-François Gando qui copiaient sans scrupule ses caractères et ses élégantes vignettes.On ignore les conditions dans lesquelles la présente brochure de 1759 a été tirée ; tout au plus, peut-être quelques dizaines d’exemplaires dans son atelier de fonderie sur une presse illégale et précaire.