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Mirontaine sta leggendo

http://lemondedemirontaine.hautetfort.com/

Professeure des écoles par correspondance et lectrice passionnée autant en littérature de jeunesse qu’en littérature générale.

20,00
1 mars 2013

Octave Lassale a quatre-vingt-dix ans. Ancien chirurgien du coeur, il vit seul."J'ai appris aussi à aller encore dans chaque jour en espérant que la nuit suivante emporterait tout et moi avec".

Mais il souhaite anticiper et être accompagné dans ses derniers jours. Il passe une petite annonce et recrute quatre personnes qui vont pénétrer dans sa maison... son quotidien...son coeur.

Il a besoin d'autres êtres humains qui comme lui, s'égarent, pour s'approcher de ce qu'est la vie.

Jeanne Benameur propose un très bon roman sur "l'être ensemble". Ce thème, largement abordé en littérature, est magnifié sous la plume de Jeanne Benameur. Son style est nourri d'images et de poésie.

Quel est le moteur qui permet à ces personnages d'avancer dans la vie? Aucun Dieu ne semble motiver Octave, Béatrice, Hélène, Yolande et Marc.

Le doute à lui seul permet de dépasser "le fait d'être un homme, juste un homme de chair, de sang et de pensée.Aujourd'hui je me donne droit au doute. Un profane aussi a le droit de douter. Le doute n'est pas réservé aux croyants."

La peur du désastre est omniprésente dans la vie d'Octave Lassale mais aussi dans celle de ses accompagnants."On peut sauver ou ruiner toute une vie quand on prend le risque[...]Est-ce que la vie n'est pas la seule louve à faire entrer dans la bergerie?"

Le personnage de Béatrice m'a beaucoup séduite.Cette jeune femme discrète, qui a tellement besoin du vide."Petite,, elle a été dévorée. Le silence des parents est un ogre. Il vous avale dans les questions qu'on ne pose jamais. Ces deux êtres-là vivaient vivent et vivront au secret des bandelettes qu'ils ont passé leur vie à tisser autour de leurs bouches, de leurs yeux."

Toute l'écriture de Jeanne Benameur est ciselée. Sa force repose sur la beauté des mots et la profondeur des personnages.

Tel un vieux fou Octave continue à croire, envers et contre tout, qu'il y a quelque chose de plus fort que la mort, quelque chose de plus intéressant que la mort. Il souhaite qu'Hélène, la femme artiste-peintre, dessine le portrait de sa fille, tel le Fayoum.

Voilà...j'ai refermé ce roman, secouée par les personnages. Des personnages de papier qui donnent la force, "qu'aucune foi en un Dieu, fût-il d'amour" ne puisse donner.

Jeanne Benameur met la foi au coeur des êtres humains, sous couvert d'une ellipse stylistique... mais c'est joliment offert dans Profanes.

Profanes, Actes Sud, janvier 2013.

Traduit de l'italien par Dominique Vittoz

Stock

31,00
25 février 2013

J'ai refermé ce livre depuis quelques heures et je reste sans voix...

Je ne sais pas trouver les mots pour témoigner mon ressenti de lecture. Ma motivation première à lire ce roman était de partir à la rencontre d'un auteur italien. La quatrième de couverture le présente comme le grand écivain italien de ces cinq dernières années, pour reprendre les mots d' Alessandro Barrico. Et puis le thème abordé, proche de "La Route" de Cormac Mc Carthy, me séduisait beaucoup.

L'histoire c'est celle de Leonardo, intellectuel, écrivain et professeur à l'université,fuyant son pays dévasté. Parti chercher de l’huile d’olive, de retour à son hôtel, il s’aperçoit qu’un individu est en train de forcer le coffre de sa voiture. Puis survient une histoire de meutes de chiens… Dès la première scène, les éléments d’un monde étrange se mettent en place, un monde violent.

La barbarie pullule dans le pays, on ne dispose que de très peu d'éléments sur l'espace-temps de la narration. Alors, on avance fébrilement dans l'histoire de Leonardo. Cet homme vit reclus à la campagne, au milieu des livres. Il relit avec plaisir "Un Coeur simple" de Flaubert et cite régulièrement de grands auteurs, des poètes également. Je pense notamment à Anna de Noailles ( "Poème XXXIII, L'Honneur de souffrir" )citée dans la cinquième partie du roman.

Ce roman est dense. La barbarie s'est répandue dans un pays en proie à la menace de ceux qu’on appelle les "extérieurs ". Les habitants ont peur et ils prennent les armes. La maison de Leonardo est pillée, il décide de prendre la route, l'exil vers la Suisse ou la France semble la seule issue possible.

L'incertitude plane au fil des pages. Roman d’anticipation? Métaphore de la société actuelle?

"Les pensées se bousculaient dans sa tête. Des pensées qui tournaient autour de la mort, de l'indignité, du courage et de la possibilité de forcer sa propre nature. Ce n'étaient pas des pensées dont il espèrait tirer le moindre soulagement, mais il savait qu'il devait les affronter.[...]Il tenta d'accrocher à ce clou fragile le tableau de sa vie, dont il n'avait jamais autant perçu l'indigence et la torpeur."

Les longues pages sur le déroulement de scènes violentes m'ont dérangée, je ne parvenais pas toujours à cerner leur utilité, toutefois, j'étais saisie par l'envie de connaître l'issue de ce périple mené par Leonardo et les enfants. L'apocalypse est en cours.

L'auteur nous entraîne dans ce délitement des choses, des lois et du monde. Etrangement, le personnage principal se montre alors beaucoup plus profond, plus "vertical" en somme. Dans un pays où règne le culte de la virilité machiste, ce roman prend tout son sens. La décadence devient le sel de ce roman. Le destin de Leonardo, marqué par la rupture sentimentale suite à une sombre histoire d'adultère avec une jeune étudiante, est une jolie mise en abyme du roman. Ce texte fait écho également à la contre-utopie de Fahrenheit 451 de Bradbury lorsqu'au coeur de la barbarie on réclame la lecture.

J'ai refermé ce roman avec beaucoup de questions sur les causes sociétales de cette fiction, sur l'intérêt d'une telle barbarie et le sens profond de cette dérive.

20 février 2013

Comment trouver les bons mots pour décrire ma passion pour cette femme, Goliarda Sapienza...

J'ai découvert son oeuvre, comme beaucoup avec L'Art de la joie publié aux Editions Viviane Hamy en Septembre 2005. Je remercie les énergies éditoriales de la maison Attila de nous offrir la publication française du roman Io, Jean Gabin, traduit par Nathalie Castagné.

Goliarda Sapienza est née à catane, en Sicile, en 1924. Fille d'anarcho-gauchistes, elle ne fréquente pas l'école et reçoit une éducation très originale dans une famille qui ne l'est pas moins.Très jeune, Goliarda s'intéresse aux textes philosophiques, aux écrits révolutionnaires mais aussi aux croyances populaires de la Sicile.

Moi, Jean Gabin fait partie des écrits autobiographiques de Goliarda.Ecrit dans les années 1980, il ne sera publié qu'après sa mort. Dans les années 30, la petite sicilienne se passionne pour l'acteur Jean gabin, depuis la projection du film Pépé le moko.

Goliarda arpente les bassi (logis misérables de l'Italie méridionale) des ruelles de la Civita , un vieux quartier populaire où réside sa famille. Elle explore le monde des plus humbles, un monde très sombre où évoluent les prostituées, les artisans et les pêcheurs. Au quotidien, elle fréquente le milieu des idéalistes insoumis au régime fasciste.

A l'heure de la montée des nationalismes, de l'ascension du Duce, la petite Goliarda va se passionner pour Jean Gabin, le rebelle idéal.

"Tu ne dois jamais te soumettre à personne et moins que quiconque à ton père ou à moi. Si quelque chose ne te convainc pas, rebelle-toi toujours."

Loin du manichéisme ambiant à cette époque, entre fascisme et mafia, l'enfance de Goliarda est un souffle de liberté. Ce texte ressemble à un conte surréaliste d'une enfance et de sa propre loi de vie.

Les valeurs de cette terre de sang et de feu forment une sublime toile de fond pour le regard insatiable de curiosités de la jeune Goliarda. Sous le déluge des mots, elle ne veut renoncer à ses idéaux.

"Essaie de vivre libre, toi, et tu verras le temps qu'il te reste pour dormir".

Moi, jean Gabin donne les clés de L'Art de la joie et donne l'envie de découvrir tous les textes de Sapienza, certains seront publiés à l'automne prochain par la maison Attila. C'est le roman d'une époque, un petit bijou d'une enfance singulière et surréaliste.

17 janvier 2013

j'aimerais tellement trouver les mots justes pour souligner la beauté de ce texte.

Diego, grand baroudeur, se voit contraint de rentrer en Italie, dans l'appartement familial qu'occupe sa soeur, le temps d'une opération et d'une convalescence. Dans cet appartement, il va découvrir qu'un problème sur la ligne téléphonique lui permet d'écouter les conversations des autres habitants de l'immeuble.

Je pensais plonger dans un roman à l'image du film "Fenêtre sur cour" et assister impuissante à un huis-clos mêlé à un suspens qui va crescendo. Mais le roman de Federica de Paolis est bien plus que cela...

Diego écoute les vicissitudes d'esprit de ses colocataires, à leur insu. S'ouvre alors un très bel éventail de personnalités les plus touchantes , les unes que les autres... de jolis portraits d'hommes et de femmes, en souffrance, parfois, dans le doute, toujours...

"La maladie, ici en Occident, est un problème, c'est comme avoir dix points en moins sur son permis de conduire, un casier judiciaire ou une jambe amputée, c'est un handicap, ça ne fait pas partie du cours de la vie, c'est un accident de parcours. En Occident quand on est malade, on est dangereux, on est viral avec nos pensées métaphysiques et cette intimité acquise tout à coup avec la mort, celle à laquelle le corps échappe jour après jour, celle à laquelle on ne peut penser pendant que l'on vit sa vie. Qui frôle la mort la contemple, les autres la fuient, c'est tout, il n'y a pas de moyen terme."

Au fil des pages, des scènes d'une sensualité à faire pâlir l'Ariane d'Albert Cohen sont de toute beauté. Diego sera tour à tour, un aiguillon spirituel, mi-ange, mi-démon parmi ces hommes et ces femmes, englués dans un sable mobile. Tout le monde est contraint de se cacher derrière les symptômes d'une perfection, se cacher dans une idée qui n'est pas une identité. Le monde est enveloppé dans un mensonge blanc, sans lequel il semble impossible de survivre.

"Il se passe que personne ne dit la vérité, que personne n'a le courage d'être ce qu'il est, que nous vivons de mensonges par omission, nous vivons de mensonges, nous sommes assis sur des mensonges, nous sommes ce que voudraient les autres,... c'est notre seule préoccupation, ils nous demandent trop, toujours trop, le modèle est inatteignable. Qui est vraiment lui-même?"

15 janvier 2013

Changer de vie, fuir son pays.

C'est la destinée de ces femmes qui quittent le Japon pour les Etats-Unis dans les années 1920.

Leur quête: rejoindre un mari qu'elles ne connaissent pas encore et aspirer au bonheur loin de chez elles.

Dans leurs valises, elles emportent un joli kimono de soie pour la noce, la terre aride de leur pays et quelques photos du beau prétendant... mais surtout l'espoir.

On voyage avec elles sur la bateau où l'air est putride, on découvre en même temps qu'elles ces hommes parfois violents, très différents des photos.

Julie Otsuka en utilisant le pronom personnel de la première personne du pluriel offre aux lecteur un très beau chant choral.

Néanmoins, l'énumération des anecdotes du quotidien de ces femmes rend la lecture parfois lassante.

Pourtant ce texte est très beau et le thème fort en sensibilité, mais je n'ai pas eu le coup de coeur espéré.

J'aurais aimé une focalisation sur l'une de ces femmes pour apprécier davantage la lecture.

Le fonds m'a séduite mais moins la forme.

C'est ce procédé d'énonciation originale qui a contrario fait tout le sel du roman mais il est déroutant