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nymeria

http://avideslectures.wordpress.com/

Grande lectrice depuis toute petite et blogueuse depuis peu, j'adore lire pour m'évader, découvrir de nouveaux auteurs et partager mes impressions avec d'autres lecteurs. ^^

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4 mars 2016

La collection « La Cosmopolite » des éditions Stock ne me déçoit presque jamais. J’y ai fait la découverte de très bons auteurs comme Anne Tyler ou encore Emma Donoghue. Et c’est un peu par hasard si j’ai jeté mon dévolu sur cet auteur américain que je ne connaissais pas, interpellée par le résumé assez choquant de son livre. Un adolescent se jette tête la première contre un mur de gymnase, courant et se heurtant, encore et encore, jusqu’à perdre conscience. Mais qu’est-ce qui a bien pu lui prendre ? C’est là la grande question du roman. A partir de ce drame, l’auteur déploie son intrigue pour nous expliquer la raison de ce geste. Entre passé et présent, Timothy S. Lane louvoie par à-coups, nous ouvrant à des instantanés du quotidien d’une famille lambda, qui n’aura pas été épargnée par la vie.

La narration est ingénieuse. Elle égrène les heures entre le geste désespéré de Jimmy, multipliant les allers-retours entre le passé de ses parents et le présent où sa famille est éclatée. Les révélations se font au compte-goutte, l’auteur cherchant tout d’abord à nous laisser apprivoiser les Kirkus, de père en fils. Du père, star de basket au fils lui-même doué pour ce sport. Le parallèle entre Jimmy et son père puis entre son père est son grand-père est tracé. Timothy S. Lane analyse les relations père-fils avec beaucoup de tact et une grande lucidité. Que ce soit en cherchant à tout prix à se démarquer de son père pour ne pas répéter les erreurs du passé ou en voulant au contraire marcher sur ses traces pour mieux rivaliser avec la figure paternelle, l’auteur explore toutes les pistes des rapports père-fils.

Chacun des personnages, bien que truffé de failles, possède un charisme impressionnant. Je me suis attachée à chacun d’entre eux. La figure du grand-père, sorte de vieux fou vagabond, m’a particulièrement émue. La scène entre les trois générations réunie sur le terrain de basket est un vrai crève-cœur. La plume sait se faire poignante sans verser dans le pathos. J’ai d’ailleurs éprouvé une grande facilité à visualiser les évènements tant l’auteur est communicatif. Mieux, j’ai eu parfois l’impression de voir un film se dérouler devant mes yeux, à tel point que j’ai même choisi des acteurs pour tous les rôles ! Ce roman ferait un très grand film à n’en pas douter.

On espère des lendemains meilleurs pour cette famille touchée par la tragédie et contre qui le mauvais sort semble s’acharner. Mais « La malédiction Kirkus » frappe et n’épargne rien sur son passage. Peu à peu, on découvre l’ampleur du drame et on finit par saisir les raisons qui ont poussé Jimmy à se fracasser le crâne… En dehors des liens familiaux, l’auteur dresse également le portrait de ces petites villes où chacun se connait et où l’on s’approprie la renommée de ces jeunes talents qui réussissent. L’atmosphère oppressive qui s’en dégage est un poids de plus pour qui cherche à se faire oublier. Vous avez beau faire des efforts, batailler de toutes vos forces pour vous sortir la tête de l’eau, c’est impossible si tous les habitants épient vos moindres faits et gestes et se posent en donneurs de leçons. L’auteur livre une réflexion éclairée sur la notion de réputation et de célébrité, même éphémère. Faites une erreur une fois et elle vous collera à la peau comme de la super glue. Un très beau roman, émouvant et cruel, pénétrant et pudique. Inoubliable. A l’image de ces leçons pour « Devenir une légende ».

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4 mars 2016

Les éditions Mirobole savent dénicher des romans hors du commun, ça c’est certain. Ils n’hésitent pas à publier des auteurs inconnus, des textes différents de ce que l’on voit habituellement. Avec « L’autre ville », on nage en plein délire. Le délire de l’auteur tchèque contemporain le plus réputé de son pays. Au vu du résumé, je m’attendais à quelque chose de surréaliste, de dépaysant et d’onirique. Et il est vrai que c’est un roman étrange. Il n’y a pas à proprement parler d’intrigue. A partir du postulat de départ (le narrateur découvre un livre écrit dans un alphabet inconnu qui lui permet d’entrer dans un univers onirique qui s’amalgame au monde réel), l’auteur tisse un canevas farfelu fait de rencontres importunes, de sensations exotiques et de fantasmagories visuelles. Du narrateur, on ne sait pratiquement rien. On ne fait que le suivre au gré de ses pérégrinations hallucinatoires.

Malheureusement, je n’ai pas réussi à me laisser transporter par la transe promise. Si le roman est à bien des égards hypnotique (on finit par ne plus savoir ce qu’on lit et ce qui se passe au juste), il est aussi très déstabilisant. J’ai dû m’y prendre à plusieurs fois pour essayer d’y comprendre quelque chose, mais à chaque fois je me perdais dans le propos de l’auteur qui passe du coq à l’âne. Ce n’est pas un mauvais livre, mais comment dire, c’est le genre de roman qui tient plus de l’expérience à vivre à laquelle on adhère ou pas. Personnellement, je suis complétement passée à côté. L’auteur nous bombarde de mots, joue avec la syntaxe, les figures de style. Les phrases sont à rallonge, il s’arrête sur une description pour enchainer sur une autre et par dans des circonvolutions qui donnent le tournis. On en serait presque ivre. Je ne dirais pas que je n’ai pas aimé mais le voyage promis m’a laissé sur le quai. A tenter pour l’expérience.

Alex Burrett

Aux forges de Vulcain

18,00
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2 juin 2015

Un recueil hilarant et irrévérencieux à découvrir de toute urgence !

« Ma chèvre s’est mangé les pattes » est un recueil de nouvelles semi-absurdes et fantastiques comme on en rencontre peu souvent. De nombreux lecteurs n’apprécient pas le format de la nouvelle parce qu’elle ne permet pas un développement très poussé. Mais quand on tombe sur un recueil de ce genre, où qualité rime avec unité, on met bien vite ses présomptions de côté pour savourer pleinement. Ce recueil regroupe 31 petites histoires qui vont de la nouvelle à la novelette et possède une thématique d’ensemble qui constitue un tout : « que se passerait-il si ? ». Ou autant d’hypothèses sorties du cerveau complètement désinhibé d’Alex Burrett !

On passe donc d’une nouvelle qui nous présente l’enfer comme le nouveau lieu de villégiature à la mode aux plans sur la comète d’un rat qui espère devenir le nouveau meilleur ami de l’homme en passant par l’histoire d’un couple plus que fusionnel qui finit par se retrouver lié par certaines parties de leur anatomie… Ne vous en déplaise, au-delà de l’aspect absurde de certaines histoires qui font rire le lecteur, il y a aussi un aspect grivois et parfois écœurant qui classe ce recueil dans les lectures adultes. Alex Burrett possède une imagination débordante quand il s’agit d’imaginer les retombées de tel ou tel postulat de départ. L’auteur ne s’impose aucune limite : l’amour, la mort, Dieu, les tueurs en série, tout y passe. Et tout est tourné en dérision par la plume caustique d’Alex Burrett.

Si ces différents textes déclenchent une hilarité irrépressible qui vous fera passer pour une folle auprès des gens qui vous entourent, c’est pour mieux vous asséner une vérité en pleine poire au détour d’une situation loufoque. Prenons l’exemple de la nouvelle « Massacre au cochon d’inde ». Si le texte en surface prête à sourire, le sujet de réflexion qui y est caché nous force à prendre certaines choses en considération. Comme notre rapport à la consommation. Et le sacrifice d’animaux qui en découle. Ça parait logique, mais je suis sûre que peu d’entre nous avait envisagé les choses sous cet angle. Combien de vies sont sacrifiées pour que nous puissions vivre ? Alex Burrett met le doigt où ça fait mal et passe au crible de nombreux sujets qu’il décape à coups de commentaires irrévérencieux.

Bref, un recueil intelligent et hilarant qui offre une nouvelle vision du monde qui nous entoure à travers des textes farfelus mais non dénués de sens !

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2 juin 2015

Les cellules de votre cerveau se ramollissent ? Vous n’arrivez plus à vous concentrer ? Lisez « Brainless » ! Qui sait, vous êtes peut-être atteint du même syndrome que le héros de ce roman qui est revenu à la vie après un décès des plus… cocasses ! Le remède à vos soucis de concentration se trouve probablement entre ces pages…

Plus sérieusement, même si vous n’êtes pas un zombie (non ? Sûr ? Même pas une touuute petite envie de cerveau ?), je vous conseille de lire ce récit qui nous fera rire tout comme il vous fera réfléchir. Ce roman jeunesse de Jérôme Noirez qui inaugure la nouvelle collection Electrogène chez Gulf Stream est une petite bombe ! Entre le roman noir et l’humoristique, Brainless se moque des clichés du mouvement ado américain. Avec ses b**tchs délurées, ses sportifs décérébrés et ses laissés-pour-compte qui s’en prennent plein la tronche. Au milieu de ce cirque, notre ami Brainless avec son cerveau à la ramasse passe presque pour une lumière. En tout cas, c’est l’un des rares à « réfléchir » un tant soit peu. Le comble…

La narration alterne entre les confidences de Jason, alias « Brainless », et un narrateur omniscient qui nous rapporte les faits avec beaucoup d’humour. Jérôme Noirez se moque de ses personnages et les tacle à coup de jeux de mots et de remarques assassines et franchement on en redemande ! Le récit est parsemé de nombreuses références aux films d’horreur, le héros en étant d’ailleurs un grand fan, et c’est cette même culture cinématographique qui est raillée. J’ai beaucoup aimé l’aspect persifleur du roman, l’auteur maniant les mots avec une aisance impressionnante. J’avais déjà adoré cette gouaille dans « Féérie pour les ténèbres », et « Brainless » vient me conforter dans le fait que Jérôme Noirez est devenu un de mes auteurs français d’imaginaire préférés avec Anthelme Hauchecorne et Fabien Clavel.

Mais « Brainless », ce n’est pas seulement un roman humoristique, c’est aussi un roman noir comme je vous le disais. Si l’auteur se moque de ces ados américains bouffis de ridicule, il nous en montre aussi la déviance avec une tuerie comme on en voit régulièrement dans les lycées. Nourris par l’internet, gavés d’idées raclées dans les jeux vidéo et les films, certains de ces jeunes espèrent trouver la gloire en battant le record de meurtres dans un établissement scolaire. Glaçant ! Et la fin, entre horreur et dérision restera dans les annales ! Bref, lisez « Brainless » ou je vous mange le cerveau !

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17 avril 2015

Depuis leur lancement, les éditions Mirobole ont toujours misé sur des choix éditoriaux novateurs en publiant des œuvres russes, moldaves, et en dénichant des pépites dans la littérature de genre. « Vongozero » de Yana Vagner fait partie de ces romans aux qualités indéniables dont on entend peu voire pas du tout parler parce qu’il ne nous provient pas du monde anglo-saxon. Il fait pourtant partie du haut du panier avec cet aspect apocalyptique réaliste qui rend le récit prenant et offre une interprétation perspicace d’une catastrophe majeure. Mettant de côté le caractère « série B » avec ses zombies et autres joyeusetés, Yana Vagner se concentre sur les retombées d’un virus mortel sur sa population et sur la fuite éperdue d’un groupe de personnes réunies par le sort et obligées de se subir pour survivre. Si vous n’appréciez pas la surenchère de gore des récits de zombies, « Vongozero » pourrait tout à fait vous plaire !

Le fait que le récit soit abandonné entre les mains d’un seul et même personnage (qui forcément nous livre une version toute personnelle et quelque part arbitraire des événements), cela installe une relation privilégiée entre lecteur et narrateur et permet une immersion totale. Anna, la narratrice, est fort heureusement un personnage composite avec un contexte familial compliqué et une position délicate vis-à-vis de son statut de « voleuse de mari ». Ses relations tendues avec sa belle-famille, ses amitiés de « surface » qui font d’Anna quelqu’un d’assez solitaire finalement, tout cela concourt à maintenir un climat de tension constante, notre héroïne se retrouvant par la force des choses obligée de voyager avec des personnes qu’elle n’apprécie guère.

Bien qu’on ne puisse pas qualifier le roman d’horrifique, l’environnement psychologique angoissant apporté par la peur permanente (peur d’attraper la maladie, peur de ne pas arriver à destination, peur de manquer d’essence, de vivres, de se faire attaquer sur la route) joue énormément sur les nerfs et rend le récit éprouvant. Les descriptions parfois difficiles de cette Russie au bord de l’implosion ajoutent à la dynamique du récit et nous confrontent à nos peurs les plus primales. Certains passages du roman suscitent chez le lecteur le même sentiment d’impuissance que chez Anna. D’autres, au contraire, déclenchent ce même mécanisme d’auto-défense qui nous rend plus fort, quitte à nous insensibiliser face à la détresse d’autrui. C’est le ressort de « Vongozero », nous interroger sur les limites de l’être humain. Nous interroger sur nos valeurs, sur nos ressources. Pour survivre, pour tenir le coup mentalement, il faut parfois laisser notre subconscient parler, quitte à créer des divergences au sein du groupe, à la jouer perso. Un roman clairvoyant et captivant que je n’oublierais pas de sitôt.