Avec cette éblouissante écriture qui coule comme une rivière, Serge Joncour nous éclabousse de son style fabuleux qui mériterait tous les prix de l’Académie Française !
L’auteur explore la nature de l’homme, son adaptation à l’environnement, tant urbain que celui des campagnes. Il use d’un vocabulaire animalier qui jaillit à chaque phrase, c’est prodigieux ! Mais aussi et surtout, cette histoire monte progressivement en intensité en distillant dans chaque chapitre, avec une subtilité folle, les éléments qui conduisent au dénouement...
Qu’avons-nous perdu de notre part animale et sauvage et que devrions nous retrouver dans cette nature parfois hostile ? Qu’est-ce que notre monde industrialisé a fait de nous? Et si les loups les plus féroces ne se cachaient pas là où on le croit ?
Un roman qui se dévore !
Jerôme Ferrari signe un beau portrait d’Antonia, une jeune photographe Corse dont le livre relate les grands moments de sa vie alors même que ses proches se réunissent pour son enterrement.
Retracer sa vie professionnelle est un prétexte pour nous interroger sur le rôle du photographe, du photo-journaliste. Sert-il seulement à divertir et informer? Quel est son utilité dans ce monde? Lutter contre le silence et l’oubli ? Témoigner, quitte à paraître obscène en montrant l’insoutenable ? Sommes nous d’ailleurs prêts à affronter « la puissance brutale des photographies » diffusées par la presse ?
Tout ne tourne pas autour de la photographie dans ce roman dont l’action se situe en Corse. Jerome Ferrari revient également sur les événements liés au FLNC, sans être trop critique.
Bien qu’inscrivant son héroïne dans une histoire « sentimentale » avec un de ces hommes cagoulés aux activités suspectes, il reste néanmoins en surface concernant cette relation.
L’ensemble est assez sombre mais j’ai trouvé l’écriture chantante et magnifique !
Quel style ! Des phares longues, très longues, qui coulent élégamment.
Si la photo est un art, l’écriture de Ferrari est aussi de l’art.
Tiffany Tavernier nous embarque dans le tourbillon de l’aéroport Roissy Charles De Gaulle, une histoire folle où le lecteur se retrouve en immersion totale. L’architecture du texte et le rythme qu’elle insuffle à son écriture sont calqués sur l’activité incessante qui règne en ce lieu à très haute fréquentation. Qui sont donc tout ces gens, qui côtoyons nous vraiment dans ce monde ?
Si le début évoque un documentaire, peu à peu le procédé narratif glisse vers le roman, le drame de cette femme SDF qui vit dans l’aéroport depuis des semaines, ne sachant pour quelles raisons ni comment elle a atterri là.
Parce qu’on veut comprendre on se laisse entraîner jusqu’à « l’envolée » finale!
C’est un livre très original, formidable, tout en tension, mais d’une immense sensibilité.
Asta / où se réfugier quand aucun chemin ne mène hors du monde ? : roman
De Jón Kalman Stefánsson
Traduit par Éric Boury
Grasset
Quelle intelligence ce Jón Kalman Stefánsson pour croiser les histoires de vies et les destinées des membres d’une famille islandaise !
Au début on pense au procédé utilisé par Paul Guimard dans son roman « les choses de la vie » lorsqu’au moment d’un accident un personnage se remémore les anecdotes de sa vie... Tout ça n’est pas linéaire et la construction du roman est déroutante parfois.
La déprime, la mélancolie et la mort se mêlent à l’amour et la passion. Et le maussade est poétique ! Les idées sont tissées, approfondies et récurrentes ce qui en fait un roman d’une grande densité. Le texte est long, qu’importe, nombreux sont les passages succulents, sensibles et puissants à la fois.
Je n’en ai pas lu assez sur le sujet mais je me demande si ce n’est pas là le grand livre de l’Islande et des islandais ?
S’il existe des films d’auteurs ce livre en est le pendant. Un livre de grand auteur !
Il me semble que tout ce qui fait l’attrait et les mystères de l’Islande s’y trouve. « Ici, tout est tellement bizarre »
Nathalie Piégay nous propose de découvrir l’histoire de la filiation honteuse, secrète et compliquée de la mère de Louis Aragon.
Développée avec minutie, imagination et certitudes, cette vie de femme de l’ombre se lit comme un roman !
Nathalie Piégay nous convie dans les interstices de la biographie de l’auteur d’Aurélien, quelque peu ingrat avec sa mère. Elle va au-delà des biographies déjà écrites pour nous parler de la mère de l’immense écrivain avec son regard de femme, et il m’a semblé que c’est important ici puisqu’elle mobilise son intuition... féminine.
L’auteure utilise le « je » comme pour mettre en perspective notre monde et celui de cette « famille » de la première partie du XXème siècle.
Nathalie Piégay partage son obsession pour la mère d’Aragon, peut-être parce qu’elle est convaincue que derrière le grand écrivain existait une grande femme, une mère si peu connue. Émouvant. Et très instructif.