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16 juin 2014

Avec « Les liens du mariage », vous avez cinq romans pour le prix d’un et comme ils sont bons, ça vaut le coup !
Certes, j’ai eu un peu de mal au début avec Delphine, qu’on découvre en train de saccager l’appartement de son amant américain qui la trompe, mais j’ai fini par mieux la connaître et son parcours, parisien puis américain, m’a intéressée lui aussi.
James ne m’a pas non plus conquise immédiatement et j’ai craint à tort une peinture misérabiliste de son existence, jusqu’à ce que je découvre de quel bois il était fait.
Pour Frances Gerety (personnage qui a existé) et Evelyn, elles m’ont plu tout de suite, la première du fait de la modernité de son comportement et la seconde pour sa façon d’être au monde, avec l’empathie manifestée à l’égard de son entourage, ses élèves notamment.
Quant à Kate, elle est ma préférée, elle qui trouve si difficile de concilier le simple fait de vivre heureux avec sa connaissance de tout ce qui va mal sur la planète, elle qui s’acharne à élever sa fille dans le respect des valeurs auxquelles elle croit, bref, une jeune femme de cœur et de convictions.

J.Courtney Sullivan analyse avec finesse, au travers de ces cinq personnages, les relations qu’entretiennent les couples. Le portrait de Frances permet de constater comment la publicité (concernant les bagues en diamants, en l’occurrence) s’est fait l’écho de leur évolution. Mais, au-delà de cet aspect sociologique, « Les liens du mariage » est, avant tout, la chronique de vies particulières qui peuvent trouver un écho dans les nôtres.
Dans ce roman sensible et attachant, tout m’a paru bien vu, tant l’auteur sait capter l’air du (ou des) temps, pointer en quoi l’argent (ou son manque) pèse sur le destin de chacun et évoquer en outre ce qui se joue au-delà des apparences.
Elle s’amuse aussi à glisser entre ses fils de narration des connexions que nous ne découvrirons que tardivement, avant de donner à son récit, sur la fin, quelques accents de tragicomédie familiale plus légers, que j’ai appréciés.

22,50
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9 juin 2014

En Afghanistan, des soldats allemands sont pris en embuscade et meurent sous des balles qui se révèlent de fabrication allemande : c’est la puissante société Larenz qui les a fabriquées. Pour
Katja Rittmer, rescapée de l’embuscade en question, membre des forces spéciales, c’en est trop. Elle décide de mettre à nu les vérités que le pouvoir s’acharne à masquer. Dès lors, elle mobilise ses capacités de combattante pour déclencher une série d’actions terroristes destinées à faire plier les autorités.
De quoi donner sérieusement du fil à retordre aux services secrets, allemands aussi bien qu’américains, car la partie qui se joue déborde le cadre national.

L’un de ces agents secrets n’est autre qu’ Éric Mayer, un des principaux protagonistes du précédent roman policier de l’auteur, "Zone de non-droit". On retrouve aussi Valérie Weymann, une avocate chargée de défendre Katja, ainsi que l’Américain Martinez. Ne pas avoir lu "Zone de non-droit" (c’était mon cas) n’est pas gênant car "La marionnette" est une histoire qui n’a rien à voir. En outre, les rappels effectués permettent d’appréhender facilement les liens entre les personnages récurrents (mais ils révèlent en partie la teneur et l’issue de "Zone de non-droit").

"La marionnette" est un roman policier dont j’ai beaucoup apprécié l’ancrage dans un contexte politico-économique très particulier, celui de la guerre en Afghanistan, avec la manière dont a pu être perçue par l’Allemagne la participation de ses soldats au conflit et l’analyse fouillée de ce que représente le syndrome de stress post-traumatique.
L’architecture du récit est parfaitement maîtrisée, tout comme le découpage des séquences, qui n’est pas sans rappeler celui qu’on retrouverait dans une série télévisée. Pas de suspense à tout va, cependant, plutôt l’impression, prégnante, d’une mécanique dont les rouages s’enclenchent un à un vers un dénouement terriblement incertain.
Alex Berg apporte un soin tout particulier à l’exposition de ses personnages féminins, forts et complexes, sans négliger toutefois d’approfondir un peu certaines figures masculines, moins monolithiques qu’il n’y paraît.

Un roman intéressant et intelligent, que j’ai refermé pensive. Comme, sans aucun doute, le souhaitait l’auteur.

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8 juin 2014

Dans un camping près de l’océan, pas loin du Cap Ferret, Arnaud prend ses quinze jours de vacances rituelles début août. Il est accompagné d’Estelle, avec laquelle rien ne va plus, et de leur fils Auguste, neuf ans.
Déboule le frère cadet d’Arnaud. Max, au visage parcouru de tics, Max jamais à court de blagues en tous genres pour faire rigoler son neveu. Max qui a déjà fait de la prison et se fourre toujours dans des coups tordus.
Le dernier de ces coups tordus, on le découvre progressivement, au fur et à mesure des séquences venant entrecouper la narration par Arnaud des jours qu’ils ont passés ensemble …

Percutant et sombre, "Baignade surveillée" nous offre un quartier d’été où le soleil, la mer, les vagues et le sable, s’acharnent à lutter contre un destin que le lecteur craint de deviner (mais peut-être se trompe-t-il dans ses conjectures ?) et qui pèse sur tout le récit. Au milieu de ces adultes aux relations plus que tendues, une femme qui repousse son compagnon, deux frères que le passé ne suffit plus à lier, l’enfance joueuse et joyeuse d’Auguste peine à jeter de brefs éclats de lumière.

Un roman prompt aux métaphores, des mots taillés pour mieux cerner les maux, où les trajectoires personnelles se heurtent, dans une société tellement inégale qu’elle semble acculer certains à franchir les limites.

Éditions de L'Olivier

19,50
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8 mai 2014

« Zone grise » est un roman complexe, élaboré de telle manière que le lecteur ne doit jamais baisser sa garde s’il veut finir par s’y retrouver. Cela n’a pas été mon cas et j’ai fini en outre par me lasser de ce huis-clos, traversé de retours en arrière, au sein d’un stage visant à remettre des chômeurs sur la voie de l’emploi. Pourtant, l’analyse de ce type de formation est percutante et, par ricochet, ce sont les défauts de fonctionnement du monde du travail qui font l’objet d’une dénonciation cinglante. Mais à mi-parcours, alors que je disposais sans doute de suffisamment d’éléments pour avoir plus ou moins reconstitué ce qu’avait vécu le narrateur, j’ai abandonné la partie et poursuivi ma lecture en diagonale (si bien que je n’ai pas compris la fin … mais l’aurais-je comprise de toute façon ?). Car si les aperçus donnés de la réalité sont lisibles, la place occupée par le narrateur, qui semble par moments relever du fantasme, l’est beaucoup moins.

Ambitieux et très bien écrit, sélectionné pour le prix Goncourt 2014 du premier roman, « Zone grise » est un ouvrage pour lequel, je l’avoue, je n’ai pas été très bon public, faute d’avoir vraiment réussi à y entrer.

18,90
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5 mai 2014

En lisant la description du village, qui suit la scène d’accouchement sur laquelle s’ouvre ce roman, j’ai eu l’impression d’être projetée dans un de ces univers post-apocalyptiques qu’on découvre dans les récits de SF.
L’auteur, qui s’est visiblement documenté, dépeint avec réalisme la manière dont ce petit bourg en ruines cherche à regagner le droit d’exister (au lieu d’être purement et simplement rayé de la carte). Les habitants, parce qu’ils sont dans le besoin, vont jusqu’à exploiter les ressources « touristiques » de la guerre (vente de vestiges, visite des champs de bataille, malgré les risques encourus) pour faire entrer de l’argent dans les caisses.

L’état des lieux qui nous est offert n’épargne personne. Les villageois sont mesquins, égoïstes et superstitieux (une vouivre hanterait le moulin local), les Américains roulent à tombeau ouvert et se conduisent comme en pays conquis et tout le monde couche à droite et à gauche.
Louise œuvre avec beaucoup d’humanité dans l’intérêt de cette communauté, où certains visent avant tout leur avantage personnel. C’est elle la narratrice et ses mots nous plongent au cœur de ce qu’elle vit et des difficultés auxquelles elle se heurte. Par la force des choses, elle est régulièrement amenée à procéder à des actes médicaux que la loi lui interdit. Elle tombe amoureuse mais, là aussi, elle risque de franchir la ligne. Bref, rien n’est édulcoré dans ce roman et c’est ce qui en fait toute la force. Louise fréquente et observe de nombreux personnages, s’attache à certains, mais suscite aussi l’opprobre d’autres. C’est une jeune fille volontaire et pugnace, dont j’ai suivi l’évolution avec un vif intérêt.

« 1, rue des Petits-Pas » est un roman que j’ai lu quasiment d’une traite, tant l’histoire qu’il raconte, autant que l’Histoire évoquée, s’avèrent passionnantes.
Plongée crue et saisissante dans les âpres lendemains de la Grande Guerre et dans la vie des accoucheuses, le tout au niveau d’un petit village, il mérite largement le détour !