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Jusqu'à ce que les pierres deviennent plus douces que l'eau

Antonio Lobo-Antunes

Christian Bourgois

  • Conseillé par
    21 mai 2019

    Une langue maitrisée, libre et inventive

    Rares sont les écrivains dont la voix est reconnaissable dès les premières lignes ; Antonio Lobo Antunes est de ceux-là. Une voix qui parle vraiment, souple et ondoyante, avec son souffle propre : rythme ample, qui s’emballe lorsque l’urgence est là, ou se permet des pauses - jamais très longues puisque l’auteur a banni le point.

    Ce fleuve emporte dans sa course quelques pierres : un Portugais hanté par ses années de guerre coloniale en Angola, son fils adoptif ramené d’Afrique, sa femme, sa fille et sa belle-fille. Tous en route pour la « tue-cochon », dans un village reculé. Nous entendrons leurs voix, que l’auteur a mêlées en un somptueux tissage, précis et subtil comme une marquèterie, une mécanique de précision. Souvent les voix et les époques se succèdent dans la même phrase, et pourtant le lecteur ne se perd pas, guidé par les leitmotive, les scènes obsessionnelles, les bouffées d’images puissantes qui surgissent à tout moment. Car à la violence de la guerre répond l’abattage du cochon, rituel dans la famille. Le réel trivial de ces vies modestes est sans cesse troué par les scènes du passé qui s’insinuent, par l’ailleurs, par les petites phrases ressassées parce qu’elles ont marqué l’esprit. C’est hier, c’est maintenant, le temps fait des boucles ; rien ni personne n’est jamais là où il faudrait, quand il faudrait - et en ce sens c’est aussi un roman plein d’humour et d’absurde.

    De même que l’épopée angolaise ne fut qu’une boucherie grotesque, comme l’auteur l’a vu de ses propres yeux et souvent raconté - de même ce fleuve puissant nous emmène vers un sacrifice tragique. Et la langue maitrisée, libre et inventive d’Antonio Lobo Antunes (et de son traducteur) nous accompagnera longtemps après les derniers mots du livre.

    Coup de cœur de Frédéric


  • Conseillé par
    8 février 2019

    Dans cette vaste analepse fragmentée et vertigineuse, Antonio Lobo Antunes explore les traumatismes psychiques engendrés par les horreurs de la guerre. Elle nous fait pénétrer dans les esprits perturbés de deux hommes qui ont vu leurs vies bouleversées par la guerre d'indépendance d'Angola. D'incessantes reviviscences parasitent leurs pensées en les ramenant sans cesse vers l'Afrique , là où se nouent les origines du drame qui va se jouer entre un père et son fils.
    C'est un livre troublant qui provoque un réel malaise face aux terribles descriptions de la réalité de la guerre et nécessite beaucoup d'attention. Au premier abord cette lecture désoriente totalement avec ses longues phrases au rythme chaotiques puis, une fois le style narratif assimilé, elle devient bouleversante même si elle reste ardue.