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Minuit dans une vie parfaite

Michael Collins

Christian Bourgois

  • Conseillé par
    30 mars 2011

    A la croisée des chemins.

    À la croisée des chemins.
    Voilà un auteur que j'aime beaucoup et dont j'ai lu l'intégrale de l’œuvre traduite en français. Tous ses romans ne sont pas chroniqués ici, car je les ai lus bien avant de tenir ce blog. Beaucoup de livres d' auteurs irlandais sont édités en ce moment et j'en suis bien entendu ravi. Tout en regrettant que la veine purement irlandaise se soit un peu diluée dans une mondialisation plus porteuse en terme de reconnaissance. Mais Michael Collins, comme Colum McCann, ont commencé leurs carrières littéraires en Irlande pour la poursuivre avec un succès certain aux États-Unis.
    Karl, écrivain en panne d'inspiration et d'argent, bref en panne sèche, la quarantaine désabusée, et Lorie, un peu plus âgée en panne de maternité mais cherchant à se soigner ! Car il semblerait qu'elle soit stérile !

    Les souvenirs remontent chez l'un et chez l'autre, elle, un avortement à l'adolescence et un sentiment de punition divine. Lui avait un père brutal qui a tué sa maîtresse avant de se suicider et une mère en maison de retraite qui lui coute un argent qu'il n'a plus...Alors la paternité, ce n'est pas réellement pour lui une aspiration profonde, car le traitement a un coût beaucoup plus élevé que ses finances le lui permettent. Surtout que sa carrière est plus qu'entre parenthèses, il peine sur ce qui devrait être son chef d’œuvre « Opus » et sa collaboration et son gagne pain, nègre de Penny Fennimore, un auteur de romans policiers, est au point mort !
    Il déménage dans une piaule minable, pour paraît-il s'isoler et écrire. Sa belle-soeur Debbie, qu'il déteste et qui le lui rend bien, qui travaille pour la télévision, décide de filmer la tentative de sa soeur de procréation assistée médicalement, chose qui bien évidemment n'arrange pas la vie du couple. De mensonges par omission en demies-vérités, il se maintient un semblant de respectabilité malgré que ses finances soient au plus bas, au même niveau que son inspiration ! Il tente de travailler sur un texte que lui a laissé une personne décédée d'un cancer, et pour cela doit rencontrer son mari, ainsi que le fils qu'il a eu avec cette personne. Il trouve également un travail de reporter dans un magazine minable, spécialisé dans la culture avant-gardiste. Il avait d'ailleurs travaillé dans la pornographie, un autre de ses titres de gloire. Il faut bien vivre.
    Sa vie va basculer du jour au lendemain, Lorie, malgré son traitement, n'est pas enceinte et au cours d'un reportage il fait la connaissance de Marina, une artiste russe, dont il tombe follement amoureux....Et Lorie lui avoue plusieurs choses à son sujet et le quitte....
    Et il recommence à écrire.....
    Une galerie de personnages étranges pour ne pas dire malsains. Pour Karl, le premier adjectif qui me soit venu à l'esprit à son sujet au cours de ma lecture est lâcheté. Un médiocre absolu dont le fait d'armes, d'avoir eu deux livres publiés, remonte à loin, très loin ; il est plus beau parleur que bon romancier. Mythomane, manipulateur, pas loin d'être absolument sans scrupules, surnommé par Marina avec un brin de dérision, « Monsieur Démocratie », c'est l'antihéros par excellence.
    Lorie voulait cet homme, elle l'a eu. Mais, dit-elle, elle n'avait plus le choix qu'entre « les pédés et les écrivains » alors elle a trouvé un écrivain de service. Elle veut cet enfant, et pour cela elle est prête à beaucoup de sacrifices, surtout quand ce n'est pas elle qui les consent. Au fil du récit on découvre aussi une femme menteuse, manipulatrice, bref le digne pendant de son époux. Debbie, sa sœur, est aussi son âme damnée, et la haine partagée qu'elle éprouve pour son beau-frère n'est pas faite pour arranger les choses ! Marina l'artiste russe dont le seul fait de gloire est sa nudité sur scène, Penny Fennimore écrivain célèbre vivant en recluse dont la carrière est en régression passent dans ce roman comme des ombres l'une recherchant la célébrité, l'autre la fuyant !
    Un roman un peu glauque, pas très réjouissant et comme souvent avec cet auteur un regard sans complaisance sur la société américaine actuelle, avec ses émigrés russes dans ce livre, sa démesure et sa misère. Malgré la noirceur des situations, le récit ne tombe jamais dans le misérabilisme. Un langage volontairement très cru par moment, mais bien écrit avec un vocabulaire très riche. Un début relativement lent, mais une fin très roman noir et désespérante.
    Un récit relativement dérangeant, dont l'action se déroule dans un quartier pauvre de Chicago et qui risque de surprendre certains lecteurs. Pas le meilleur Michael Collins à mon goût, mais une œuvre malgré tout très originale, pleine de références littéraires.